JORG GESSNER

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INTERVIEW

D’où vient votre passion pour le papier ?
Elle s’est développée en plusieurs étapes : j’ai commencé ma vie professionnelle comme tailleur, puis je suis devenu designer textile. J’ai ainsi travaillé avec du papier et des couleurs pendant des années, je faisais des centaines de dessins et je me suis de plus en plus intéressé à l’interaction entre la lumière et la surface du papier. C’est ce qui m’a ensuite conduit à réaliser des objets et des luminaires avec ce matériau. Pour cela j’ai cherché partout en Europe, mais parmi les centaines de papiers que j’ai vu passer sous mes yeux, très peu étaient à la hauteur de ce que j’attendais. Et puis j’ai obtenu la bourse de la Villa Médicis hors les murs qui m’a permis de voyager au Japon et là j’ai découvert  des papiers plus extraordinaires les uns que les autres, de qualité chaque fois différente, qui possédaient, telle une calligraphie, l’empreinte des papetiers qui les avaient fabriqués : une sorte d’âme en émanait. J’ai compris là ce qu’était le papier, le papier seul, sa vraie réalité.

Quel rapport entretenez-vous avec le papier dans votre travail ?
Cela commence toujours par le plus grand respect de la matière que je reçois. A partir de là, ce sont les feuilles que j’ai trouvées et choisies qui décident du travail que je vais faire. Je me soumets à ce qui existe et j’essaie de faire resplendir la matière qui est créée par les papetiers parce que c’est elle qui exige un certain type de comportement, qui impose une certaine forme de traitement, de mise en œuvre. Mon travail repose constamment sur un dialogue entre le papier et moi.

Comment abordez-vous ces papiers très « chargés » ?
Ils le sont effectivement et pour les travailler il faut veiller à être le plus sobre possible. Le superflu est totalement interdit, ce n’est même pas pensable. Je me concentre sur ce qui en émane, j’essaie de le capter, le l’orienter, le mettre en forme. En fait, je lis le papier et cette lecture engendre une sorte de  texte, de roman, d’exigence, une table de lois qui conditionne la façon de travailler. Les œuvres sont une description de la matière que je reçois.

Vous parlez de description et non pas d’écho…
Il y a toujours un peu des deux, selon le papier, selon le travail. Certaines œuvres sont plus mentales, comme la série que je viens de réaliser, d’autres plus émotionnelles, comme celle que je viens  de commencer. Entre la description et l’écho cela fluctue en fonction de la nature du papier et de ce que j’en fais.

Votre façon de travailler suppose une discrétion, une humilité,  une forme de minimalisme dans l’intervention…
Tout à fait, autrement j’aurais honte. Il faut par moment se dissoudre, il faut soi-même disparaître pour voir ce qui est devant soi. Se dissoudre devant le papier est même l’étape la plus importante, c’est elle qui permet de n’être plus qu’attention, écoute et donc d’être présent, réceptif, puisque le cerveau travaille en même temps. Mais on n’existe plus en tant que soi-même et on est effectivement à ce moment là l’écho de ce qui émane de la matière.

Parleriez-vous d’un rituel ?
Absolument. Cela ne serait pas possible autrement.

Qu’en est-il du temps qui semble être une dimension essentielle dans votre démarche ?
Le temps est très important car il y a de nombreuses étapes. Il faut déjà trouver le papier, ce qui suppose de  voyager beaucoup, d’aller à la rencontre des papetiers, de les connaître. Je peux ainsi passer en revue des centaines d’échantillons que je regarde attentivement et petit à petit le hasard de la vie mène vers quelque chose, vers quelqu’un, un matériau, une personne. Il s’agit déjà d’un très long chemin. Ensuite il faut commencer à envisager de travailler, à laisser s’écouler la matière-papier, à construire les châssis selon les formats requis  puisqu’il n’y a  évidemment aucun format standard  quand on utilise ce type de papiers. 


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Penser ces châssis, les travailler, procéder aux premières étapes de la mise en œuvre tout à fait basique du matériau pour pouvoir bien l’aborder est essentiel. Tout ce temps mis bout à bout me met dans un état d’esprit  qui me permet d’être entièrement disponible le jour où je commence. En plus comme il s’agit toujours de papiers précieux et rares, mieux vaut être présent et à la hauteur à ce moment là. Il y a ainsi tout un processus très lent avant même de débuter le travail lui-même, qui en comparaison peut se révéler incroyablement court. Cela pourrait se rapprocher de la calligraphie, qui exprime parfois toute une tranche de vie, pour laquelle on se concentre, on prépare longuement  l’encre pour une réalisation finale assez rapide. Mais une fois que l’œuvre est faite, un autre temps intervient : je dois en effet me mettre à l’épreuve pour vérifier si je suis bien allé au fond des choses, si ma motivation est juste, si j’ai pu aller encore plus loin. C’est la raison pour laquelle je ressens souvent le besoin d’écrire sur mon travail pour avoir un regard très conscient sur ce que je fais.

Comment conjuguez-vous la matière du papier et la lumière, y a-t-il une priorité  de l’une sur l’autre, l’une est-elle la conséquence de l’autre ?
On ne peut évidemment pas séparer l’une de l’autre. Je ne peux pas concevoir la matière sans la lumière et voir la lumière sans la matière n’est pas possible. Sous un certain angle, on pourrait concevoir que la matière  relève de l’ordre du volume, de la surface, de la profondeur et que la lumière représente le temps, puisqu’elle fluctue sans cesse en fonction de l’heure,  de ses différentes sources et que les photons réfléchis par le tableau ne sont jamais les mêmes. Car il s’agit toujours de vagues de lumière qui s’enchaînent, sans fin, les unes après les autres. Certains papiers captent la lumière et la font voyager, d’autres moins. Tout dépend de la nature des fibres, certaines sont plates, d’autres creuses ou encore ondulées et en fonction de cela on va avoir un plus grand effet de réflexion, de miroir ou à l’inverse plus d’ombre. Cela change énormément d’une œuvre à l’autre et même parfois à l’intérieur d’une même œuvre. Cela dit, s’il faut donner une chronologie, c’est généralement la matière qui décide puisque c’est elle qui s’imprègne, et absorbe la lumière, puisque sous les couches de papier, le fond du tableau est noir, le noir le plus total, comme un abîme. Mais je suis obligé de tenir compte simultanément de la réverbération des rayons lumineux, de la façon dont ils sont dirigés. Là, quelques petites notions de physique sont importantes, il faut connaître certains phénomènes, leur faire confiance. Dans le passé, en réalisant des objets qui tenaient compte de la rotation, de la tension, de la pesanteur, j’ai exploité ces forces disponibles. Il suffit de les repérer et de les connaître un peu. Si je n’avais pas ce bagage là, cette expérience là, je n’arriverai pas au même résultat.

Revendiquez-vous  une dimension orientale ?
S’il y en a une, elle vient de mon incapacité à répondre de façon pragmatique ou polémique à des questions. Je préfère toujours ressentir d’abord les choses, chercher ce qu’elles peuvent signifier et commenter les sentiments qu’elles provoquent. Ma manière de procéder a un côté oriental dans le fait de savoir prendre son temps, d’attendre, de chercher le chemin par intuition. Ces différents aspects qui ont été un frein pour moi en Europe et qui sont un atout et une qualité en Asie, m’ont beaucoup servi là-bas. Mais c’est uniquement de cet ordre là, car mon travail en lui-même n’a rien d’oriental. J’utilise des papiers japonais et j’ai appris à les aborder, mais la technique que j’ai développée m’est propre. J’ai toujours fait attention à ne pas tomber dans un registre simili oriental et à rester ce que je suis, sinon cela se ressentirait forcément dans mes œuvres.

Si quelqu’un qui n’a jamais vu votre travail vous demande ce que vous faîtes, que lui répondez-vous ?
En voyant l’une de mes expositions quelqu’un m’a dit un jour : «  Je vois des tableaux blancs sur des murs blancs dans une galerie d’art. Que montrez-vous au juste ?» Je l’ai regardé et je lui ai dit : je montre la lumière. Là il s’est illuminé et m’a dit : « Je comprends, la lumière elle est à nous tous ».

Propos recueillis par Henri-François Debailleux.
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